samedi 23 février 2019

"Les Mals-Aimés" - Jean-Christophe Tixier


En partenariat avec Babélio dans le cadre d'une masse critique et les éditions Albin Michel que je remercie.

De Jean Christophe Tixier, éditions Albin Michel, Roman, 2019

Résumé :

1884 : Une maison d’éducation surveillée ferme ses portes. Des adolescents décharnés quittent le bagne sous le regard des paysans qui sont aussi leurs geôliers.
Quinze ans plus tard, l’ombre du bâtiment plane toujours. Les habitants ont beau feindre de l’ignorer, les terribles souvenirs qu’il contient continuent d’étouffer leur communauté. Aussi, lorsqu’une jument se putréfie ou qu’un troupeau de chèvres est décimé par une maladie, il faut des responsables. Les habitants, tous coupables ou complices de monstruosités, s’accusent du mal qui rôde. Dans ce chaos, c’est aussi l’itinéraire de Blanche, une jeune-fille abusée par son oncle, qui tente d’échapper au fatalisme et à la violence à laquelle elle est destinée.
Nous sommes aux confins des Cévennes, là où la religion règne en maître. Là où la terre est dure et le climat rude.

Mon avis :

    Dans un village des Cevennes, Blanche s'évertue à survivre dans un quotidien des plus difficiles. Recueillie par son oncle, elle ne lésine pas sur les travaux de la ferme ou la prise en charge de la maison. Elle s'occupe de tout malgré la rudesse de son existence. Qu'il s'agisse de Léon et Jeanne, la "Cruere", le médecin venu de la ville ou encore Étienne, quel avenir ont ils envisagés avec les fantômes du passé qui réapparaissent. Un troupeau malade, une jument qui agonise, un homme en pleine force de l'âge qui succombe, il y a quelque chose dans l'air qui noircit le paysage... Ce paysage qui a en hauteur un ancien bagne pour enfants et adolescents.

    Quelle écriture ! En débutant la lecture, c'est ce qui m'a frappé en premier lieu : le rythme que l'auteur a su insuffler à l'histoire. Composé en chapitre traitant à chaque fois d'un personnage, on découvre progressivement les secrets de chacun, la vision du monde rural de ces années 1900, le poids de ce qui est dit ou caché. Le poids des secrets également. Une écriture fluide qui emmène le lecteur et lui permet d'entrer dans la noirceur et la rudesse de cette campagne reculée.

    Le traitement des personnages à ma préférence. Inutile de faire de grands discours, ils sont décrits dans leur vérité crue, à la fois inimaginable et pesante. Des caractères bien trempés, rude à la tâche et plein de vigueur. Il y a quelque chose de repoussant chez certains qui attise la curiosité, je l'avoue : comment en est-on venu à réagir ainsi ? J'ai apprécié le rythme qu'à donné l'auteur à la révélation de certains secrets ou trait de caractère des personnages. Cela nourrit le suspense.

    Le traitement du bagne à présent est étrange à mes yeux et sans doute ce qui m'a le plus questionné, sans toutefois me décevoir. L'auteur traite du bagne dès le début de l'histoire. Il reste en arrière-plan une bonne partie du roman, le temps qu'il faut aussi pour que les histoires des personnages se développent. Il est toujours là en sourdine. Mais on ne finit par l'aborder que plus tard. L'auteur s'attache à montrer les conséquences chez les personnes ayant travaillé au bagne. J'aurais apprécié en découvrir davantage sur ce lieu, savoir ce que chacun cherche à taire.

    L'ambiance générale du livre, roman noir et plein de tension, est à la fois agréable dans une expérience de lecture, mais m'a posé question. À plusieurs reprises je me suis rendu compte que j'ai lu le livre les yeux froncés, accablés moi-même parce que je lisais. Non pas par l'horreur des descriptions, mais plutôt de me dire que ces bagnes, ces vies détruites aussi bien enfants qu'adultes ont vraiment existé. Le monde recèle encore nombre de noirceurs, son histoire n'est pas entièrement écrite.

En bref :

Une expérience de lecture riche et pleine de tension que j'ai vraiment appréciée, porté par une plume agréable et précise de l'auteur. Une très belle découverte, malgré des questions qui demeurent. 


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