mercredi 1 août 2018

Autour d'un break.

Crédit image : éditions d'art Daniel Derveaux

Hello lecteur, lectrice de passage et autres curieux.

Le blog est resté silencieux depuis le mois de mars. Je ne vais pas épiloguer sur mon absence du simplement à des investigations médicales. Comme elles se sont (enfin !) terminées, je dois dire que j'ai un peu plus la tête à autre chose. Il y a des événements qui nous tombent dessus sans que nous ne soyons prêt et je pense qu'on régit tous d'une façon différente.

J'avoue aimer le calme, me retirer de tout car je ne peux pas éparpiller mon énergie. Il existe des gens qui au contraire font face et sont capables de poursuivre leur quotidien, leurs passions, leur vie… Moi je préfère gérer en fonction de mes priorités.

Ce qui est étrange avec notre culture des réseaux sociaux et du "tout, tout de suite", c'est qu'il nous empêche parfois de prendre du recul sur les situations que nous vivons. Le besoin d'une pause, qu'il soit dans la vie privée, professionnelle ou sociale est important pour garder son équilibre, son "moi intérieur" serein.

Mais parfois, je l'avoue, j'envie les personnes capables de faire fi de tout et de vivre leur vie comme ils le souhaitent. Un travail intérieur à poursuivre.

En tout cas, les publications reprendront demain avec je l'espère, toujours autant de curieux :-).

Sabrina








mercredi 28 mars 2018

"Le Koh-I-Noor" - William Dalrymple et Anita Anand


En partenariat avec Babélio et les éditions Noir sur Blanc que je remercie pour cette truculente aventure.

De William Dalrymple et Anita Anand, édition Noir sur Blanc, 1er mars 2018, Histoire.

Résumé :

Le 29 mars 1849, un garçon de dix ans est introduit dans la salle des miroirs du fort de Lahore. Malgré ses craintes, il s'avance avec dignité : il est le maharajah du Pendjab. Au cours d'’une cérémonie aussi fastueuse qu'’humiliante, l'’enfant va devoir reconnaître sa soumission à la Couronne britannique et céder à la reine Victoria non seulement l'’un des territoires les plus riches de l'’Inde, mais aussi l'objet le plus précieux du sous-continent, le célèbre diamant Koh-i-Noor, la Montagne de Lumière. Soucieux de lui établir un pedigree, les Anglais passent aussitôt commande d'’une « biographie » de la pierre précieuse. Pour s'’acquitter de sa tâche, le jeune fonctionnaire désigné par la Compagnie des Indes orientales a visiblement couru les bazars de Delhi, réunissant toutes les légendes et sornettes que colportait la tradition.

L'’histoire du Koh-i-Noor de William Dalrymple et Anita Anand dissipe les brumes de la mythologie, mais ce qu'’elle révèle au lecteur d'’aujourd'hui n'’en est pas moins romanesque, avec son lot de meurtres et de trahisons : une archéologie de la cupidité, où se rejoignent les passions privées des maharajahs et la folie collective de l'’impérialisme occidental. Craché par un volcan primaire, charrié par le fleuve Krishna jusqu'’à Golconde, le Koh-i-Noor ira jusqu'’en Afghanistan, avant de venir se loger dans la couronne de la reine Victoria.

Mon avis :

    Le Koh-I-Noor que l'on peut traduire pas la Montagne de Lumière, est un diamant de 105 carats. Il n'est pas le plus précieux au monde, de nombreux autres diamants ont été découvert. Mais son histoire le rend immortel

     La première fois que j'ai entendu parler de l'Inde et de ses diamants, c'est dans le dessin animé "Princesse Sarah". J'avais autour de 10 ans et je découvrais ce pays par l'histoire de cette jeune fille dont le père mort lui a finalement légué un héritage fait de pierres précieuses : des diamants. À cet âge, je ne me faisais pas vraiment d'idée sur ce pays ou son histoire. Plus tard, l'Inde a été le théâtre de l'aventure "d'Indiana Jones et le temple maudit" où l'on parlera encore de pierres précieuses. L'Inde et ses diamants ont inspiré bon nombre d'histoires et aussi des légendes. Je ne rejoindrai pas Maryline Monroe en disant que "Diamonds are a girl's best friend"...

     Le Koh-I-Noor fait partie des diamants de légendes : pour son histoire, mais aussi parce qu'il est le symbole de la puissance pour celui qui le détient, lui permettant de commander aux armées. Certains ont choisi de le présenter à la vue de tous, s'ornant de ce diamant pour montrer leur puissance. Le livre retrace son histoire. Malgré des débuts un peu obscurs, elle est assortie d'événements terribles pour sa possession : de la torture à la manipulation en passant par l'immoralité de certains : tout était bon pour mettre la main sur ce joyau si rare.

    Dans une première partie "Le joyau du trône", William Dalrymple nous fait part des premières apparitions du diamant dans l'Histoire : des différentes époques de l'Inde moghole jusqu'au moment où l'empereur Nadir Shah s'en empara. L'historien, nous fera voyager de l'Inde au Pakistan sur les traces du Koh-I-Noor. L'histoire du diamant est également faite de nombreuses rumeurs et suppositions pour ses débuts. L'auteur replacera toujours les découvertes et explications dans la période historique. 
    Dans une seconde partie, Anita Anand nous fera part de ce qui sera une véritable tragédie pour l'histoire de l'Inde : lorsque les Britanniques s'emparent de la région et que le diamant leur est "offert" par l'héritier d'à peine 10 ans, le maharajah Dulip Singh. Une histoire aussi machiavélique que touchante, une reddition voilée par le mensonge du "don". Cette seconde partie évoque surtout l'histoire du diamant dès son acquisition. 

    Ne vous attendez pas à lire un simple traité historique. Ce livre est davantage une incursion dans l'Histoire de l'Inde. On est emporté dans sa lecture comme si nous faisions nous-même les recherches. Le Koh-I-Noor est un personnage à part entière dans ce livre, et j'ai vraiment apprécié cette facilité d'entrer dans l'Histoire et de suivre son origine, même si elle reste encore assez obscure.
    L'écriture est très fluide, et il est facile de s'imprégner de l'univers. Malgré tout, j'avoue avoir été très perturbée par les noms auxquels je n'ai pas l'habitude, certains étant vraiment proches. La construction du livre quant à elle nous permet d'éviter de nous perdre dans l'histoire, particulièrement lorsque nous voyageons de l'Inde au Pakistan en passant par la Perse dans la première partie du livre. 

    J'ai particulièrement apprécié la seconde partie et ce passage où la reine Victoria, en voyage officiel en France, s'était présenté au bal donné en son honneur : "... elle éblouit toute l'assistance. [...] Sur le front de Victoria, le légendaire Koh-I-Noor rayonnait tel un troisième œil." p.181. Outre le volet historique dont les détails foisonnent et sont, d'un point de vue historique et politique, très intéressants, il y a ce volet occidental et la seconde vie si j'ose dire de ce diamant. Cela m'évoque non pas de l'éblouissement, mais une interrogation profonde sur l'Histoire du monde : dominée par la recherche de l'argent et du pouvoir.
    Le livre est agrémenté en milieu d'ouvrage de superbes représentations : peintures, portraits des souverains qui ont convoités et/ou portés ce bijou.

    Aujourd'hui encore, le Koh-I-Noor est source de discorde : l'Inde en revendique toujours la possession, mais les nombreuses demandes ont toujours été refusés par le gouvernement britannique. À ce jour, il fait toujours partie de la collection privée de la reine Victoria exposé à la tour de Londres. Le joyau le plus important de la couronne...

En bref :

L'histoire du diamant Koh-I-Noor nous plonge dans une histoire où sa beauté et le signe de pouvoir qu'il détient sont des témoins de l'Histoire : un traité historique abordant autant les machinations politiques et la recherche incessante de ce pouvoir.

mardi 27 mars 2018

"Tsubaki, le poids des secrets" - Aki Shimazaki


D'Aki Shimazaki, édition Babel, 2005, Famille, Secret, Guerre.

Résumé :


Dans une lettre laissée à sa fille après sa mort, Yukiko, une survivante de la bombe atomique, évoque les épisodes de son enfance et de son adolescence auprès de ses parents, d'abord à Tokyo puis à Nagasaki. Elle reconstitue le puzzle d'une vie familiale marquée par les mensonges d'un père qui l'ont poussée à commettre un meurtre.

Obéissant à une mécanique implacable qui mêle vie et Histoire, ce court premier roman marie le lourd parfum des camélias (tsubaki) à celui du cyanure. Sans céder au cynisme et avec un soupçon de bouddhisme, il rappelle douloureusement que nul n'échappe à son destin.

Mon avis :

La beauté, peut-elle effacer la cruauté ?

     Yukiko est à présent une femme âgée. Le 9 août 1945, elle n'était pas dans sa maison auprès de ses parents. Elle venait de commettre un acte qui la hanterait sa vie durant. En quittant le foyer, marchant au hasard, elle sauve sa vie : "Fat Man", bombe au plutonium surnommée ainsi par les Américains, venait d'être larguée sur Nagasaki, emportant des milliers de vies. Yukiko et sa mère ont survécu ainsi que la voisine et son fils. À son décès, elle lègue à sa fille une longue lettre narrant les évènements et les souvenirs de cette époque. Commence ainsi une histoire dont chaque protagoniste aura la parole durant les cinq tomes du "Poids des secrets".

     Avec délicatesse, Aki Shimazaki explore les souvenirs traumatisants liés à la Seconde Guerre mondiale du point de vue japonais. L'Histoire sert de trame de fond à l'histoire. En très peu de pages, l'auteur parvient à dresser une intrigue humaine passionnante sur fond historique. J'ai aimé ce style épuré, précis, sans alourdir les propos, juste ce qu'il faut d'émotion et d'explication. La construction des personnages est dense, même les personnages secondaires sont traités avec la même minutie.

     En lisant ce premier tome, on ne se doute pas des différentes histoires de vie qu'il comporte ni comment les événements vont se précipiter pour chacun. J'écris cet avis en ayant déjà achevé la saga complète. L'histoire ne se résume pas qu'à l'histoire de Yukiko. D'ailleurs, elle ne se résume pas non plus à une simple histoire de famille. Le livre est l'occasion de parler de cette société japonaise pendant et après la guerre : les messages de l'empereur, la chasse aux étrangers surtout coréens, le poids des apparences et des secrets qu'il faut enfouir pour faire "bonne figure" face à la société, la famille qu'il faut préserver des rumeurs. La solitude.

     J'ai lu très peu de livres sur la Seconde Guerre mondiale dépeignant les évènements du point de vue japonais. Cette lecture a été l'occasion de faire des recherches sur l'Histoire et les choix de ce pays.
     Il y a beaucoup de poésie dans ce livre, beaucoup de tristesse et d'injustice. Je posais la question au début de la chronique si la beauté pouvait effacer la cruauté. L'écriture est fantastique, l'histoire captivante et l'intrigue vraiment bien construite. La beauté de cette plume met en lumière la cruauté de l'époque : de la guerre, de la société, de la famille. La beauté de l'histoire, simple, une histoire de vie en somme, fait ressortir ce qu'il y a de terrible à cette époque.

En bref :

Un vrai coup de cœur pour le premier livre de la saga "Le poids des secrets". Des personnages complexes, une écriture subtile nous embarquant dans les méandres des secrets de famille. À lire absolument !


dimanche 18 mars 2018

"Itinéraire d'un chirurgien nomade" - Martial Ledecq

En partenariat avec Babélio et les éditions Weyrich que je remercie.

De Martial Ledecq, éiditons Weyrich, 2014, Médecine, Témoignage, Monde, Récit.

Résumé :

Un nomadisme de quelques années m'’a enseigné que nous avons un fond commun d'humanité, de sagesse et une énorme réserve de tendresse les uns pour les autres. À travers les clichés furtifs et les évènements parfois minuscules que j'ai rapportés ici, c'est ce message que j'aimerais partager, celui qu'il faut opposer aux prédictions les plus noires, celles qui entrevoient la victoire du pouvoir et de la violence sur la fraternité des hommes, et la désintégration prochaine de notre humanité. Encore faudra-t-il avoir le courage de le porter haut et fort, envers et contre tout, et de l'’exprimer dans la réalité quotidienne de notre monde qui, ici et là, ne va pas trop bien, mais qui possède en abondance toutes les recettes médicinales nécessaires à sa survie.

Mon avis :

    Lorsqu'on a la chance de faire un travail qui nous plaît, on oublie parfois la dureté du quotidien, les heures supplémentaires, le trajet, les personnes parfois désagréables. En exerçant mon métier d'infirmière, j'ai appris beaucoup sur moi-même, sur les autres. Je me suis épuisée dans des situations que je savais pourtant inextricables. J'exerce aujourd'hui dans un univers qui m'intéresse beaucoup, riche humainement malgré les situations compliquées. Le milieu du handicap, plus encore avec les enfants, est source d'enrichissement. Je ne sais pas si un jour, je travaillais dans l'humanitaire : il y a des situations que je ne suis pas sûr d'arriver à supporter émotionnellement parlant. Je voue un grand respect à mes collègues qui y parviennent avec passion et professionnalisme.

    Martial Ledecq est un chirurgien ayant exercé pendant 25 ans dans un hôpital belge. Il décide de se réorienter et s'engage auprès d'action humanitaire en Asie, en Afrique et en Haïti. Tout au long du livre, il nous partage, via des situations médicales vécues, une réflexion sur notre monde, sur tout ce qui nous semble acquis, sur la géopolitique et la capacité de ces hommes, femmes et enfants à survivre dans des pays en plein chaos. Le livre est également constitué des messages envoyés à ses proches, famille et amis. D'une grande richesse et d'une écriture fluide, Martial Ledecq nous emmène sur les routes de ses interventions.

    Haïti, Niger, Côte d'Ivoire, Syrie, Burundi, Pakistan, Afghanistan, République Centre Afrique. Martial Ledecq évoque l'ensemble de son travail de chirurgien au sein de ces différents pays. L'action humanitaire n'est pas de tout repos : le matériel qu'il faut utiliser avec parcimonie, les patients qui parfois ne comprennent pas les traitements, les moments où les détonations des armes faisaient se replier l'ensemble du personnel au fond d'un bloc opératoire. Martial Ledecq évoque ses expériences riches en enseignement.

    Le livre est une mine d'information. Martial Ledecq ne fait pas qu'évoquer une situation d'un point de vue médical et/ou chirurgical. Il va nous raconter l'histoire du patient, ce qu'il en sait, amenant progressivement les informations sur le quotidien de la personne, les conflits armés. Je pense à ces blessures par balle évoquant des conflits entre les milices et la police qui ne tente même plus d'incursions dans la Cité Soleil en Haïti par exemple. Ou à cet homme qui demande au chirurgien de prendre soin de son fils lorsque la mère est décédée car il ne pouvait pas l'élever...
    On côtoie la misère humaine, les tragédies de la guerre et de l'instabilité politique. On comprend également les difficultés pour les humanitaires pour faire leur travail lorsqu'ils sont parfois eux-mêmes pris pour cible. Il nous donne des informations sur le quotidien de ces personnes. Il ne se représente pas en héros, parlant des personnes qu'il a pu sauver et celles qu'il n'a pas pu sauver. On ressent la distance qu'il prend dans ses écrits : il ne tombe pas dans le pathos, mais est le témoin de ces situations dramatiques. 

    Le livre est jalonné de photo, agrémentant les mots d'images : des paysages, des visages, le doute, la douleur, l'incompréhension...

    Une personne ne faisant pas partie du milieu médical comprendra aisément les propos de l'auteur. Le vocabulaire est très compréhensible et n'empêche pas le profane de comprendre les situations. Étant infirmière, je n'ai pas pu m'empêcher de me représenter les situations en me demandant à chaque fois comment ils ont pu faire pour réussir : compter le matériel utilisé, réfléchir en solitaire pour prendre une décision.
    À chaque chapitre, son expérience m'a questionné sur le monde, la géopolitique, la volonté et la possibilité pour les populations d'accéder à des changements lorsque la corruption est tellement enracinée, la capacité à trouver des forces en soi pour réaliser l'impossible et faire face à autant de misère.
    Ce livre questionne, apaise aussi en se disant que oui, des personnes ont le courage d'aller au front, risquer leur vie pour des causes qui en valent la peine. Je ne spoilerai pas en évoquant un passage qui m'a beaucoup émue lorsque Martial Ledecq accepte d'assurer la relève dans un Hôpital d'Abidjan alors qu'il vient de réchapper à un hold-up. Il m'est arrivé de me dire que non, ce n'est pas possible, c'est tiré d'un scénario de film d'action... La fiction est encore bien loin de la réalité.

En bref :


Le témoignage d'un chirurgien engagé auprès d'une organisation humanitaire évoquant ses diverses expériences. Beaucoup de dignité, des expériences humaines fortes, le plaisir de voir le travail réalisé par ces personnes. Un livre qui questionne sur le monde et l'humanité. Un livre qui a tout pour plaire !!