lundi 14 septembre 2015

"La vie quand elle était à nous" - Marian Izaguirre. Coup de coeur



La vie quand elle était à nous, Coup de coeur

Merci Babélio et aux Editions Albin Michel pour ce partenariat via une masse critique durant l'été. Merci de m'avoir fait découvrir ce petit bijou!
De Marian Izaguirre, Edition Albin Michel, 2015, Roman
Résumé :
Le titre évoque la nostalgie qu'éprouve Lola au souvenir de l'époque, il y a plus de quinze ans de cela, où avec son mari Matias, un amoureux des livres comme elle, elle travaillait dans l'édition et contribuait à construire une Espagne démocratique et culturelle.
Puis la lutte en 1936 et la survie chèrement payée sous le régime franquiste ont détruit leur maison d'édition. Décidé cependant à ne pas renoncer à sa passion, le couple tient désormais une modeste librairie dans le cœur de Madrid.
Leur quotidien est bouleversé lorsqu'’Alice, une Anglaise quinquagénaire, pénètre dans leur petite librairie. Elle prend rapidement l’'habitude d'y retrouver Lola, qui à sa demande, accepte de lui faire la lecture d'un manuscrit intriguant, La fille aux cheveux de lin, qui trône dans la vitrine. Une amitié sincère voit le jour à mesure que les deux femmes découvrent ensemble les aventures de Rose, une jeune orpheline élevée dans la campagne normande et qui se révèle être la fille illégitime du duc d'Ashford.
Lola et Alice l'’ignorent encore, mais cette histoire pourrait bien lier leur destin pour toujours...
Mon avis :
Alice est une vieille dame qui, un jour, décide de suivre un homme qui porte une pile de livre dans les bras. sans se poser de question et poussée par une force étrange, elle découvre qu'il fait plusieurs arrêt, semblant connaître les différentes personnes qui lui ouvrent la porte. Elle poursuit la filature jusqu'à le voir entrer dans une petite librairie, cachée au fond d'une petite ruelle. Alice entre à sa suite et se rend compte que c'est là, entourée de ses livres que le destin à choisit de l'amener. Au bon endroit.
Le jeune suivi est Matias, un ancien éditeur et tient sa librairie avec sa compagne, Lola, qui est son ancienne traductrice. Leur vie connaît des hauts et des bas sur fond d'Espagne franquiste. Leur amour des livres les rapprochent, leur regard s'illuminent à la vue de l'autre. Les épreuves sont multiples depuis l'arrivée de Franco au pouvoir, la plus dure étant la perte de leur travail qui était pourtant leur passion. Un jour, Matias se décide à présenter un livre sur la devanture de sa librairie qui l'a beaucoup intrigué. Il propose d'offrir en cadeau le livre à la personne qui l'aura lu : il souhaite proposer chaque jour 2 pages du livres, tournant les pages au rythme des jours.
Alice, en observant ce livre, est apostrophée par Lola qui lui propose la lecture à voix hautes des premières pages. De fil en aiguille, de rencontres en lecture, les deux femmes se lient d'amitié et nous invite également à la découverte de ce livre retraçant la vie de Rose dans les années 20 : on voyage ainsi de Paris à Londres en passant par l'ouest de la France.
"La fille aux cheveux de lin" est le livre qui les rapproche, et petits à petit, leur amitié grandit et s'épanouit. Ce rendez vous livresque n'a lieu qu'en l'absence de Matias : cette rencontre va les bousculer, les bouleverser et les rapprocher.
La plume de l'auteure est absolument incroyable. Le livre m'a tenu en haleine avec passion et compassion. Marian Izaguirre dresse le portrait de femmes fortes, volontaires, mais qui sont également animées par une passion autour du livre. L'une est l'autre sont sauvés par la lecture et tiennent par les livres et le pouvoir qu'ils renferment.
L'originalité première de ce livre tient en la lecture en 3 volets :
- Alice livre son histoire à la première personne, et on s'imbrique dans ses sensations, ses souvenirs et on aperçoit le monde à sa vision : il n'y a pas d'apparat et elle livre ses souvenirs, parfois tronquée à l'écoute de Lola. De plus, on prend plus facilement possession du livre car le basculement de scène est rythmé, sans mélange : la trame du livre se suit très facilement. Alice nous livre également ses sensations.
- Matias et Lola sont un couple heureux en amour. Leur histoire est conté à la troisième personne. Cela incite à prendre de la distance car leur histoire est très liée au règne de Franco et à ses années difficiles pour l'Espagne : les livres sont tellement censurés qu'on perd le plaisir de la lecture. Leur relation est également intéressante du fait de cette pesanteur liée à leur travail : certes ils poursuivent leur travail dans une librairie, mais leur "vrai travail" (éditeur et traductrice) leur manque, leur vie manque de saveur.
- La vie de Rose à la beauté de la littérature romantique anglais : les méandres amoureux et les complications amoureuses reflètent beaucoup ces livres parlant d'amour dans les campagnes anglaises. Ce charme "à la Jane Austen" m'a énormément plu : l'impression de lire un livre dans le livre.
Ce qui m'a beaucoup frappé dans ce livre, c'est l'omniprésence des livres, les références à certains grands auteurs. Je me suis déjà surprise à rechercher quelques lectures ne connaissant pas les auteurs cités.
Le côté historique n'est pas expliqué dans le détail, il est esquissé par endroit : on fait référence aux terribles guerres, au franquisme sans que l'Histoire ne soit le personnage centrale du livre. C'est un mélange subtil : Matias, Alice et Lola revêtent une part de leur époque, mais ils portent en eux espoirs et désillusions, un vrai paradoxe mais esquissé avec brio par l'auteure.
En bref :
Ce livre paraitra le 1er octobre et est pour moi un livre qui vous plongera dans différentes époques, différents lieux, et mélangera différents passés pour construire l'histoire... Un vrai plaisir !

samedi 12 septembre 2015

"L'être de sable" - Sonia Frisco


L'être de sable



De Sonia Frisco, édition Slatkine, 2014, Témoignage

Résumé :


Hommage à son père Ce livre est le témoignage d'une tranche de vie d'un être de sable. Il raconte l'histoire triste et belle d'un jeune homme que le destin toucha un jour à jamais. Ses combats étaient bons, ses rêves simples; sa vie était une merveilleuse tragédie. Le sort continuait sa course folle et ravageuse, soutenu par les mains de complices qui exécutaient ses volontés.

La marée de la souffrance avec ses flots violents et dévastateurs continuait à s'abattre sur cet homme. Ainsi, à chaque vague, la corrosion de la roche s'accentuait, dans un mouvement perpétuel, permis et rendu possible par les actes des personnes qui servaient l'infortune. Ce n'est souvent qu'en revenant des endroits les plus sombres que nous sommes éblouis par la magnifique lumière du soleil.

Mon avis :


Qu'y a-t-il de plus beau et doux qu'un hymne à l'amour ? En réalité peu de choses. Ce roman, en plus d'être un témoignage bouleversant de Sonia Frisco, est une ode à l'amour paternel.

Difficile de résumer son histoire. Elle a imbriqué l'histoire de son père au travers de ses derniers jours. Sans "Je", sans "Il", elle dresse ses personnages, comme éloignée d'elle-même pour mieux porter leurs voix : elle se présente elle-même sous le nom de Giada. Petite fille qui découvre le monde sous les yeux de ses parents. Elle parle sans véhémence, sans violence, expliquant l’enchaînement des événements jusqu'à la décision tragique de son père. Avec le recul qu'elle met dans son écriture, les mots sont plus fort, on sent la retenue, la douleur, on sent également par moment des pauses, comme pour retrouver ce souffle perdu dans les méandres des souvenirs.

Le récit est centré sur trois jours importants : du 25 au 27 octobre 1975. On fait connaissance de Michel, de ses doutes et tiraillements dans ses décisions. On apprend à le connaître par des flashs back de sa vie, jeune garçon, jeune homme et des épreuves qu'il a vécu : du manque de communication avec son père, l'autorité sadique de sa mère.

Il rencontre Nadia, la femme de sa vie, celle avec qui partagera un déménagement vers la Suisse, la naissance leur petit trésor, les épreuves de la vie, toujours soudée par leur amour. Dans les moments de doute, où certains sentiments négatifs prennent le dessus, Giada devient son rayon de soleil, sa joie de vivre, sa raison d'être. Celle-ci comprenait sans comprendre, trop petite alors, mais elle réussissait à faire de ses découvertes des événements dont son papa était à la fois fier et heureux.

Mais les vieux démons sont tenaces, ils restent agrippés tels de vilaines sangsues. Michel tient aussi bon qu'il le peut, mais chavire parfois, souvent.

Sonia Frisco signe ici un ouvrage sensible, poignant de par sa pudeur et l'espoir qui naît dans ce livre. Car malgré la profonde tristesse que j'ai ressentie, j'ai été happée par sa mélodie : les mots fredonnaient à mon oreille une mélodie mélancolique, mais qui tirait inexorablement vers l'avenir, là où l'auteur semble également nous emmener.

L'écriture, comme je l'ai souligné plus haut, est fluide, propre, avec un soupçon de méandre que j'ai apprécié : le fil conducteur changeait régulièrement de direction, comme lorsque les souvenirs nous assaillent et nous obligent à les affronter. Le vocabulaire est riche, par moment certain tournures de phrase sont développées avec profondeur et d'autres avec légèreté. J'ai énormément apprécié ce mélange, cela m'a d'autan plus rapproché avec empathie et sympathie de sa propre douleur.


Témoignage difficile, mais empli d'amour. À tel point qu'on en ressort avec l'envie d'étreindre l'auteur pour la soutenir, mais en même lui sourire et se fixer sur l'avenir.


Il y a une poésie toute particulière dans ce livre. La dépression est un sujet encore tabou, car méconnu dans son ensemble. Maladie à part entière, elle isole, broie l''être humain de l'intérieur, sans raison ni patience. Michel, homme gentil, hypersensible, était atteint de cette maladie. Ce livre permet d'aborder ce sujet, et d'encourager les personnes à ne pas rester prostré dans leur silence.


Merci Sonia Frisco pour ce livre poignant et de nous avoir invité à partager ce moment de votre vie. Avec toute ma gratitude et mon affection.

En bref :

Un livre fort, qui vous étreint les tripes par son style à la fois simple mais complexe, une écriture poétique et un sujet traité avec douceur et compassion.

jeudi 10 septembre 2015

Once upon a book : Mystère et étrangeté

Once upon a book : Mystère et étrangeté
Bonjour à tous!
Aujourd'hui, réception de ma boite Once Upon A Book : Mystère et étrangeté. Un hème qui permet de se plonger dans les méandres de lectures frissonnantes.
Ce mois ci, je trouve avoir été plutôt gâtée, car il faut le dire, la somme totale des livres est largement supérieur à la somme de la box FDP compris. Donc, je suis doublement contente :-).
- "La nuit du solstice : Tome 1 et 2" de L.J.Smith, chez Michel Lafon
- "La rivière du temps" de Bee Ridgay chez Calmann-lévy
- "Nostradamus, les 100 prophéties les plus importantes" par Mario Reading, chez Guy Trédaniel Editeur
- sachets de thé
- popcorn
- 2 cartes
Vous pouvez retrouver leur site Facebook pour voir les différentes box que ce duo propose. Entre les boc familles parents-enfants, les box anniversaire ou box beaux livres, il y a de quoi contenter tout le monde!
Sans plus tarder, voici les photos!
A bientôt.
Once upon a book : Mystère et étrangeté
Once upon a book : Mystère et étrangeté

dimanche 6 septembre 2015

"Blasmusikpop" - Véa Kaiser


Blasmusikpop

De Véa Kaiser, édition Les Presses De La Cite, 2015, Roman
Résumé :
Johannes se destinait à autre chose qu'à cette vie de villageois à moitié attardé. Son grand-père, déjà, avait quitté Saint-Peter-sur-Anger pour aller étudier la médecine en ville – et plus particulièrement le développement des vers solitaires ! – avant de revenir pour s'y établir comme médecin. C'est lui qui a communiqué à Johannes son goût du savoir et sa passion pour Hérodote, qui font de lui un parfait original dans ce microcosme alpin où lire un livre est considéré comme hautement suspect. Ainsi, lorsque Johannes, qui est parvenu lui aussi à partir, rate son baccalauréat, c'est le drame : il doit retourner au village, parmi les « barbares ». Et le jeune homme ne tarde pas à se faire embrigader, bien malgré lui, dans l'un des événements majeurs de la vie de Saint-Peter : la venue du grand club de foot hambourgeois Sankt Pauli
Mon avis :
Merci à Babélio et aux éditions Presse de la Cité pour ce partenariat dans le cadre de la masse critique sur le site de Babélio.
Dans un coin reculé d'Autriche, dans les montagnes, se trouvent Saint Peter sur Anger : la population, vivant quasiment recluse, se protège du monde extérieure par une soif d'appartenance au village, au groupe, très importante.
Un jour, Johannes Gerlitzen se décide à se débarrasser d'un ver solitaire qui lui cause moult soucis physiologiques. Cet évènement est un déclic pour lui et il se décide de quitter sa femme, sa fille venant de naitre et son village pour aller à la ville et étudier la médecine. Cette étape est vécu par le protagoniste comme salutaire et bénéfique pour son village : en effet, il y reviendra quelques années plus tard en tant que médecin, et s'installera dans ce village.
Sa fille grandit, et il souhaite pour elle un mariage heureux, mais pas avec n'importe quel villageois : toutefois le cœur à ses raisons que la raison ignore, elle épousera l'homme dont elle est amoureuse. Naitra alors Johannes : un petit garçon réservé, dont l'éducation sera prise en charge par son grand père.
Docteur Papi, comme l'appelle affectueusement Johannes, tente de lui apporter les clefs pour vivre en "civilisé" : les leçons d'histoire naturelle sont aussi importantes que le vocabulaire : le grand père refuse que son petit fils ne s'exprime qu'en patois, car il n'y a que les barbares qui s'expriment ainsi.
Johannes grandit, avec un sentiment d'incompréhension et de distance entre ce village et lui. Son entrée au Lycée le transporte de joie. Mais lorsqu'il rate son baccalauréat, une flamme s'allume en lui et son historien préféré, Hérodote, devient son mentor.
J'aurais sans doute eu quelques réticences à lire ce livre de moi même en furetant en librairie. Je suis d'ailleurs bien heureuse de m'être aussi bien laissée transporter par la plume de l'auteur. Il ne s'agit pas uniquement d'un livre sur les péripéties d'un village niché en haute montagne, il y a une vraie interrogation sur l'idée d'appartenance, l'identité par rapport au groupe et dans le groupe.
La plume de l'auteur est ici bien différente de ce que j'ai déjà rencontré : parfois haché, on a cette impression d'entendre l'histoire racontée par les villageois, attablés au café, égrenant chacun son tour les souvenirs. Le phrasé est riche, parfois un peu trop discontinu et on s'oblige à relire quelques phrases pour être sûr de l'avoir bien comprise. Cependant, cette façon toute scientifique de raconter l'histoire permet en même temps de donner sens à ce que vit le jeune Johannes sur la fin du livre : on lit ce livre comme si nous même étudions les us et coutumes de ce village.
Le petit bémol, mais cela me concernant personnellement, c'est l'énonciation continue des noms de famille et des liens parentaux entre tous les protagonistes. S'y retrouver devient difficile, mais les répétitions aidant, on se repère.
Le sentiment d'appartenance, l'identité sont des thèmes majeurs du livre. Les personnages se posent également cette question : la volonté de Docteur Papi de rester dans son village en tant que médecin n'est aucunement pour montrer sa réussite : mais principalement parce que le village a besoin d'un médecin.
On fait partie d'une famille par un père, une mère, grands parents, oncle tante et ainsi de suite. Ici, on nous démontre que la famille peut être élargit au village entier : les fêtes et rassemblements servent à consolider les liens, ainsi que les différents mariages.
Mais quelle en est la limite? Ne pas s'ouvrir au monde et se rassurer en s'entourant de personnes que nous connaissons et aimons et qui partagent nos idées, cela s'apparente à du communautarisme. J'ai d'ailleurs eu cette impression que cette jeune auteure pointe du doigts ces dangers : on peut être proche de sa famille, de son village, de ses convictions, mais il ne faut pas oublier de s'ouvrir au monde. C'est doute cela la clef du partage, de la connaissance et de la tolérance : il suffit d'une personne pour changer les choses, en bien ou en mal.
En bref :
Une vraie admiration pour le talent de cette auteur. Véa Kaiser signe un premier roman captivant, étrangement intéressant, dressant le visage d'un village attachant. Original et créatif dans son ensemble, ce livre ne passera pas inaperçu!