De Ruth Ozeki, édition Belfond, 2013, Roman, Correspondance
Résumé :
Baie Désolation, Colombie britannique, Canada, 2011
Écrivain privée d'inspiration, Ruth découvre sur une plage un sac abandonné. Sans doute un des multiples restes du tsunami de 2011, qui s'échouent régulièrement sur les plages canadiennes. Mais ce sac cache bien des secrets : à l'intérieur, un bento Hello Kitty qui renferme un journal intime, reprenant la couverture originale de À la recherche du temps perdu, mais aussi un vieux carnet et quelques lettres illisibles. Piquée par la curiosité, Ruth entreprend de résoudre l'énigme et de traduire le journal. Elle découvre l'histoire de Nao Yasutani, adolescente japonaise de seize ans. Dans l'univers feutré de leur maison canadienne, Ruth et son mari, Oliver plongent dans l'intimité d'une jeune fille déracinée qui, après une enfance passée dans la Silicon Valley, a dû regagner Tokyo, sa ville natale, terre inconnue dont elle ne maîtrise pas les codes. Un retour brutal, le début du calvaire pour Nao : humiliée par ses camarades, la jeune fille se réfugie un temps chez son arrière-grand-mère, Jiko, fascinante nonne zen de 104 ans, ancienne anarchiste féministe, qui vit dans un temple près de Fukushima. Là, Nao apprend à être attentive à l'instant présent, à écouter les fantômes. Celui de son grand-oncle, Haruki Ier. Nao va mieux, jusqu'à ce jour tragique à l'école. Privée de tout lien avec ses parents, la jeune fille dérive de nouveau. Au risque de se perdre complètement… À des milliers de kilomètres, Ruth n'a qu'une obsession : sauver Nao. Mais comment la retrouver ? De quand date ce journal ? Ce peut-il que la jeune fille ait disparu, emportée par le tsunami ?
Mon avis :
Je ne voulais pas qu'il se termine, j'ai tenté de faire durer ce plaisir le plus longtemps possible. Et en tournant la dernière page, j'en ai terriblement voulu à l'auteur qu'il ne fasse pas 500 pages de plus...
Un récit onirique, un récit vivant, tellement poétique que les mots glissaient seuls dans la pensée! Cela fait à raison penser à un style à la Murakami tellement c'est fluide, cela s'imprègne et en même temps ne marque pas le lecteur.
Est ce que j'ai aimé le livre? Mais bien plus encore! Ca c'est mon style de livre absolu, ou j'ai peur de tourner la page car cela me rapproche inévitablement de la fin et d'un au revoir....
Parlons de l'objet livre : J'aime les éditions Belfond ! Il n'y a rien a dire sur la qualité du livre : les pages sont bien blanches, le livre est beau, la police d'écriture est très agréable à lire, le texte aéré. Je n'ai pas eu cette impression de "pâté" qu'on trouve parfois avec des livres de plus de 400 pages. Un vrai plaisir de le lire!
J'ai trouvé le synopsis intéressant, et j'aime beaucoup ce style d'écriture, comme si deux personnes différentes l'avaient écris :
On suit Ruth, auteur en panne d'inspiration qui cherche à poursuivre son livre. Elle trouve sur la plage de l'île où elle vit un sac contenant un journal et diverses affaires appartenant à une jeune fille appelée Naoko.
En parallèle de la vie de Ruth, de son quotidien et de ses recherches concernant le journal, on suit la vie de Naoko, son journal, sa vie au Japon et ses relations avec ses parents et son arrière grand mère.
Ce qu'il y a de fascinant est cette capacité d'avoir deux voix bien distinctes. Cela ne s'éssoufle à aucun moment et on ne s'ennuie jamais à la lecture de ces tranches de vie. Sans réellement apporter du suspens, on est empli d'empathie envers ces personnages, on souhaite leur bien, on s'énerve parfois. On trouve également une forme de dualité entre le monde de Ruth et de Nao : entre présent et avenir, L'auteur nous fait voyager avec finesse dans des réflexions philosophiques, mais très intimistes.
La spiritualité est une part importante du livre. Nao est en quête d'identité, tout comme Ruth est en quête d'inspiration. Cette dualité renforce les liens et la volonté de Ruth d'en savoir plus sur cette jeune fille, allant jusqu'à faire de longues recherches sur internet.
Le Zen est très présent dans le livre, l'arrière grand mère de Nao, Jiko, le pratiquant, on a souvent des expressions tiré du Zen. Ce dernier est une branche issue du bouddhisme qui met en avant la méditation via la posture Zazen. Celle ci est d'ailleurs très bien expliqué dans le livre. Jiko est d'ailleurs un personnage tellement discret qu'elle en devient importante. C'est un paradoxe! Elle a une espèce de douceur apaisante, inutile de beaucoup parler, son regard et ses mouvements suffisent à Nao pour la comprendre et pour se rassurer.
Les thèmes abordés ne sont pas des plus doucereux :
- La seconde guerre mondiale et les pilotes kamikazes : le grand oncle de Nao s'exprime dans des textes poignants.
- Les relations entre parents et adolescents : au Japon plus qu'ailleurs, on se tait, on ne parle pas de ses sentiments profonds pour ne pas déranger ou ne pas gêner autrui. Les relations entre enfant et parents sont parfois à deux niveaux tellement opposés...
- Le harcèlement scolaire, ou ijime, les tortures physiques que le corps et l'âme peuvent supporter sont difficiles à appréhender, mais bien exprimés dans ce livre : on se sent plus proche des personnages...
- Le suicide : le Japon a connu des vagues de suicide importantes, et encore aujourd'hui, des hommes et des femmes se donnent la mort : pour ne pas être un poids pour leur proche, par honte...
- Le séisme de 2011, causant la mort et la disparition de tellement de vie, sans compter les dommages matériels et environnementaux...
- Clin d'œil aux amoureux des chats : Pesto est décrit comme je pourrais décrire mes chats : avec tout l'amour qu'on leur porte.
Enfin, on se laisse prendre assez facilement dans la part fantastique du récit : il semble tellement réel qu'on a envie d'y croire, envie de savoir même si cette histoire est tirée de la vie de l'auteur, de savoir, de comprendre... Mais à la fin du livre, J'ai été étonnée de me satisfaire de ses mots : je n'avais plus cette envie frénétique de comprendre ou de savoir ce qui a pu se passer. J'étais juste en totale adéquation avec ce livre, avec un gout amer de fin.
Le style d'écriture est pour moi très addictif, on se remémore Murakami, brillantissime, mais on imagine également ce pinceau délicat effleurant une feuille en papier de riz, dessinant avec de douces volutes l'estampe de cette histoire.
En bref :
A ce stade, il ne s'agit plus d'un coup de cœur, il faut découvrir Ruth Ozeki! C'est un livre superbement écrit, fluide et poétique! Un livre chouchou, un livre qui me fait grandir! Bouleversant et enivrant!
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