dimanche 1 septembre 2019

"Le temps des orphelins" - Laurent Sagalovitsch

Le temps des orphelins par Sagalovitsch

Un grand merci aux éditions Buchet Chastel et à Babélio pour cette lecture.

De Laurent Sagalovitsch, éditions Buchet Chastel, Roman, Seconde guerre Mondiale.

Résumé :

Avril 1945. Daniel, jeune rabbin américain, débarque au camp d'Ohrdruf avec les troupes alliées, averties d'une « situation dramatique ». Il recueille les récits, les requêtes et les supplications de déportés hébétés de faim et de désespoir et s'attache à un enfant de cinq ans, muet et inflexible. Il se donne alors pour mission de retrouver ses parents dans le second camp, celui de Buchenwald. Cette découverte reste à tout jamais, dans la mémoire de Daniel comme dans celle de tous ses contemporains, la rencontre avec le Mal absolu. Avec, lancinante, cette question insoluble : comment Dieu a-t-il pu permettre une telle négation ? Comment croire, aimer, vivre encore, après avoir vu ce que l'homme était capable de s'infliger à lui-même ?

Mon avis :


    Un livre sur la Seconde Guerre mondiale… Une autre histoire, un autre regard… À priori, on pourrait se dire qu'elle ressemblera à toutes les autres. Mais à cela, je dirai mon soulagement de lire encore des textes y faisant référence. Il ne faut pas oublier. Laisser cette plaie béante et nauséabonde est d'une nécessité humanitaire. Personne ne doit oublier ce qu'il s'est passé. Ni la haine, ni le déshonneur, ni les morts… Ni l'espoir en des lendemains plus sereins.

    L'expérience de lecture est particulière. J'ai lu le livre en vacances, entouré des chants des grillons et du bruit du vent, loin de la ville et de ses bruits. Une parenthèse apaisée qui m'a offert un instant de lecture concentré. J'ai pris mon temps, le style de Laurent Sagalovitsch s'y prête d'ailleurs. J'ai voyagé avec Daniel, jeune rabbin venu avec l'armée américaine et qui prête une oreille attentive aux soldats, aux mourants, aux victimes. Je n'ai pas quitté Daniel ni ses questionnements sur cette guerre, la question même de la légitimité de sa présence : peut-il accueillir tout ce que l'humanité a créé de pire ? D'un camp de concentration à un autre, d'un enfer à un autre, d'une victime à une autre, d'une réalité au cauchemar qu'elle révèle. Et au fur et à mesure prendre la mesure de ce qui s'est passé.

    J'ai apprécié cette descente aux enfers. Il ne s'agit pas d'un témoignage direct. Mais la fiction est tristement réelle. Laurent Sagalovitsch écrit avec mesure, le rythme est agréable à suivre. Le texte est entrecoupé des courriers que le rabbin reçoit de son épouse. Le contraste entre ses propos et ce que vit Daniel est cru : les préoccupations quotidiennes paraissent bien futiles face à la réalité de la guerre. J'ai beaucoup apprécié la description des personnages, ce qu'ils dégagent et la puissance parfois de ce qui est tu. Cela intensifie leur aura, leur individualité. Je dois dire que j'ai été vraiment happée par cette histoire. J'apprécie les récits relatifs à cette période et surtout les différents points de vue. Cela me pèse de voir l'être humain capable d'autant d'inhumanité. Et pourtant, aujourd'hui encore, les faits divers et autres informations de par le monde nous montrent des visages encore bien cruels. Mais il reste de l'espoir.

    Le personnage du rabbin Daniel est très complexe. C'est très agréable d'accompagner l'histoire d'un personnage aussi complexe et qui se questionne. Sa pensée évolue au fur et à mesure des découvertes et des rencontres. Les doutes font parti de son expérience et ils ont la place.

    Je reste sur ma fin. Sans pouvoir vraiment l'expliquer, les dernières pages ont du mal à m'évoquer la fin du livre. J'ai eu l'impression d'être mise sous pression et de terminer la dernière ligne pleine de tension et d'une sourde colère. J'ai eu besoin de temps pour digérer cette lecture, comme toutes les lectures mettant en scène des enfants qui ont souffert. C'est compliqué de se dire que des enfants de l'âge de mon fils voire plus jeune, ont vécu l'enfer, ne s'en sont pas sortis, ou alors marqué à vie…

En bref :

Pour ne jamais oublier. Une lecture originale pour voir et découvrir la guerre et les horreurs du 3e Reich dans les yeux d'un Rabbin. Original et marquant. Une écriture captivante.