dimanche 9 août 2015

"Après le tremblement de terre" - Haruki Murakami

Après le tremblement de terre.

De Haruki Murakami, édition 10/18, 2000, Nouvelles

Résumé :

Japon, 1995. Un terrible tremblement de terre survient à Kobe. Cette catastrophe, comme un écho des séismes intérieurs de chacun, est le lien qui unit les personnages de tous âges, de toutes conditions, toujours attachants, décrits ici par Haruki Murakami. Qu'advient-il d'eux, après le chaos ? Séparations, retrouvailles, découverte de soi, prise de conscience de la nécessité de vivre dans l'instant. Les réactions sont diverses, imprévisibles, parfois burlesques... Reste que l'art de Murakami est de montrer, avec modernité et délicatesse, la part d'ombre existant derrière les choses et les êtres, invitant le lecteur à y déceler le reflet de ce qu'il porte en lui-même. Reconnu comme l'un des plus grands auteurs japonais contemporains, Haruki Murakami est traduit dans de nombreux pays. Aujourd'hui, la critique, unanime, s'accorde à voir en lui un futur lauréat du prix Nobel de littérature.

Mon avis :

Haruki Murakami était aux Etats Unis lors du tremblement de terre de Kobe en 1995, à Princeton. Cette catastrophe le submerge et bouleverse quelque chose en lui : il ressent un besoin quasi viscéral de revenir à ses racines.
Les six nouvelles que comprennent le livre exposent au lecteur les catastrophe comme elles sont ressenties par la population : leur vie se transforme, quelque chose est rompu en eux.
L'écriture de l'auteur :
Comment ne pas tomber sous le charme de cet auteur qui parvient à créer une atmosphère, un monde en quelques lignes. Il a ce génie dans l'écriture, une prouesse artistiques qui émeut. Le verbe est bien choisit, il n'y a pas de futilité ou de longueur dans le texte. Chaque mot à sa place, et c'est ce que j'apprécie dans l'écriture de Haruki Murakami : les mots sont justes et pertinents. Haruki Murakami a aussi cette délicatesse de ne jamais laisser les portes se refermer à la fin d'une de ses histoires : au contraire, liberté est laissé au lecteur d'imaginer la suite, la fin comme il l'entend. Cela permet aussi d'imaginer que ses personnages poursuivent leur vie, sans fin, comme tout un chacun.
Piochant des moments de vie simples, il en crée un monde à part, et c'est avec fascination qu'on découvre au fil de la lecture qu'un moment simple comme un feu de plage peut être rempli de force et de puissance.
Les nouvelles :
Au nombre de six, elles sont énigmatiques et les thèmes récurrent sont la solitude, le vide, la mort, l'autre. Elles sont semblables par leur puissance métaphorique mais aussi par ce côté impalpable, une sensation brumeuse d'avoir englouti le bonheur au fond de soi et de ne pas arriver à en retrouver le chemin.
  • Il y a l'histoire de cet homme qui s'en va vers Kushiro à la demande d'un de ses collègues. Son épouse ne cessait de regarder les informations sur le drame de Kobe et a finit par disparaître. Seul repli pour lui, partir, et sans destination, c'est son collègue qui lui offre l'opportunité d'aller ailleurs, loin de ce drame. Il y fait la rencontre de deux femmes...
  • Sous le voile de la nuit au bord de mer, et dans l'observation extatique d'un feu de camp, Miyake et Junko essayent de comprendre ce qu'ils sont, et expriment parfaitement cette sensation de vide.
  • Vient ensuite une recherche d'identité, d'un jeune homme, fils du Seigneur comme le lui a répété si longuement sa mère. Il prend conscience de son être et de sa normalité. En recherchant son père il se trouve lui même.
  • Sous fond de Jazz, Satsuki décide de rester en Thaïlande après son séminaire et de prendre une semaine de repos. Durant toutes ses sorties, elle se pose des questions, se remémore des moments passés. La musique la suit, le chauffeur de taxi qui l'accompagne partout se fait miroir de ses questionnements.
  • Crapaudin sauve Tokyo d'un terrible tremblement de terre avec l'aide de Katagiri. Dans les mythes japonais, les séismes sont causés par un poisson chat Namazu, et on retrouve toutes ces croyances dans un récit incroyable.
  • Triangle amoureux, complexité du sentiment amoureux et non dit. La dernière nouvelle tangue, avance et recule à mesure que les protagonistes révèlent la vérité sur leur sentiment, avec l'application d'une petite fille au centre de l'histoire, aussi espiègle qu'adorable.
Le mystère entourant ses nouvelles et cette sensation d'envoutement est propre à Murakami : il n'est nul besoin de suspens pour apprécier son écriture, et on retrouve dans ces nouvelles le savant mélange de la suggestion, du rythme lent et lancinant de la vie et aussi de l'espérance. Aucune nouvelle ne finit de façon abrupte, et cela permet au lecteur d'imaginer la suite.
Plus que des nouvelles, Murakami donne du sens au quotidien, et au lieu d'exprimer uniquement l'horreur du séisme, il se projette et essaye d'imaginer dans ses nouvelles les retentissements sur la population japonaise : marquée et meurtrie, elle essaye de survivre, malgré les changements intrinsèques à leur vie.
On ne garde pas en mémoire au long de cette lecture ce séisme, on oublierait presque ses ravages, telle une cicatrise que l'on essaye d'atténuer.
On note aussi cette impression liée à toutes les histoire : on a l'impression en lisant ces nouvelles qu'il y a une menace toujours présente, et qu'il faut toujours s'attendre à ce quelque chose se produise.

En bref :

Avec art et subtilité, Haruki Murakami parvient à nous faire sentir la solitude et le vide que laisse après son passage une catastrophe tel que le séisme. Avec poésie et douceur, il expose des moments de vie, simples et terriblement addictifs. On en aurait encore plus.

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