De Bergsveinn Birgisson, éditions Points 2015, Roman
Résumé :
Mon neveu Marteinn est venu me chercher à la maison de retraite. Je vais passer le plus clair de l’été dans une chambre avec vue plongeante sur la ferme que vous habitiez jadis, Hallgrímur et toi. » Ainsi commence la réponse – combien tardive – de Bjarni Gíslason de Kolkustadir à sa chère Helga, la seule femme qu’il aima, aussi brièvement qu’ardemment, d’un amour impossible.
Et c’est tout un monde qui se ravive : entre son élevage de moutons, les pêches solitaires, et sa charge de contrôleur du fourrage, on découvre l’âpre existence qui fut la sienne tout au long d’un monologue saisissant de vigueur. Car Bjarni Gíslason de Kolkustadir est un homme simple, taillé dans la lave, pétri de poésie et d'attention émerveillée à la nature sauvage.
Ce beau et puissant roman se lit d’une traite, tant on est troublé par l’étrange confession amoureuse d’un éleveur de brebis islandais, d’un homme qui s’est lui-même spolié de l’amour de sa vie.
Mon avis :
Je découvre ce livre grâce à LaKube dont j'ai parlé dans la précédente chronique. J'ai voulu découvrir quelque chose de différent, qui serait une cri du corps et du cœur. J'ai été ravie par ma lecture.
Bjarni a 90 ans, et il se qualifie lui même comme étant "un bonhomme qui a préféré croupir dans son trou plutôt que suivre l'amour". C'est une description qui, à la fin de la lecture, émeut et rend hommage à son pays l'Islande. Arrivé à son bel âge, il peut se permettre de raconter, dans une longue lettre destiné à Helga, tout l'amour qu'il lui porte et il retrace ainsi, ses sentiments, sans les enjoliver, mais avec rudesse parfois. Celle ci d'ailleurs n'a rien de grave ou de choquante. Il raconte, les 50 dernières années où son amour n'a cessé de le bruler.
Sur fond de paysages islandais, il égrène des souvenirs gaies, douloureux, comme sa relation avec sa femme Unnur avec qui il n'a pu avoir d'enfant. Il relate le changement de la société auxquels il ne peut échapper. Il parle de son amour à sa terre, à cette Islande rude, mais poétique. En filigrane, il dresse un tableau dont le sentiment majeur est la nostalgie. Il aime l'Islande, le travail de la terre et son troupeau comme il aime un femme, avec passion. Et il en prend soin.
Avec l'âge, il a ressenti le besoin d'écrire à l'amour de sa vie, de lui avouer ses sentiments, et de mettre sur papier, telle une confession, les raisons de ses choix.
Une histoire d'amour, dont les protagonistes, attachants, n'ont rien de pathétique. Bjarni, un homme ragaillardi par le travail de la terre a un humour pinçant, et évoque même les plaisirs de la chair avec une légèreté qui m'a fait sourire.
Le dépaysement pour moi a été total : une histoire d'amour peu commune, malgré les ressemblances qu'on peut lui trouve avec des histoires plus connues. Un livre émouvant, relatant avec finesse les capacités de l'homme à aimer. Les paysages sont d'ailleurs très bien décrits, et on vit à travers le livre ce climat difficiles du Nord, impétueux et puissant, comme peuvent l'être les sentiments amoureux.
Un autre thème important est l'artisanat. Bjarni travaille de ses mains et malgré les prouesses de l'industrie et le développement, il reste attaché au travail manuel, donnant aux objets qu'il crée une "âme" que n'ont pas les objets sortant d'usine.
L'auteur, Bergsveinn Birgisson, est titulaire d'un doctorat en littérature médiévale scandinave. Il a une prose incroyable, car on se sent étreint jusque dans les tripes. Sans que cela ne soit ni racoleur ni dérangeant, il tapisse son écriture de réalité, lui donnant cette puissance et cette beauté rude. Il dresse ici un bel hommage à sa terre d'Islande.
Entre nostalgie et mélancolie, "La Lettre à Helga" est un bel hommage à l'Islande et à l'amour.
En bref :
A découvrir pour vivre une autre expérience des histoires d'amour.
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