De Junichirô Tanizaki, édition Folio, 1re édition française 2009 chez Gallimard, Nouvelle, Récit, Féminité.
Résumé :
Tadasu a grandi, mais il reste toujours un petit enfant lorsqu'il pense à son enfance et à sa mère, la merveilleuse Chinu, si bien réincarnée dans la seconde femme de son père, avec qui il entretient une relation trouble mêlant amour filial et désir.
Un magnifique éloge de la maternité et une réflexion sur l'image de la Femme.
Mon avis :
Tadasu est à présent un jeune homme. Il se souvient de son enfance, dans la maison familiale où il a grandi : l'Ermitage des hérons. Il se souvient de ses mamans, de son père et de cette époque où les émotions et sentiments sont teintés d'étrangeté. Sa première maman, décédée en couche lorsqu'il était tout petit vers cinq ans. Après une période de deuil, son père décide de prendre une jeune femme pour épouse. Celle-ci s'impose avec la douceur, le raffinement de sa première maman, imitant sa façon de parler, de se comporter et d'être, au point où les souvenirs de Tadasu se confondent entre sa mère biologique et la seconde femme de son père. Elle sera même rebaptisée Chinu, du nom de sa vraie mère. Elle jouera du koto avec délice et encouragera même Tadasu à revenir téter son sein. De souvenirs en prise de conscience, il se souviendra de sa nourrice, du médecin de famille et de toutes ces rumeurs autour de sa famille.
Malgré la longueur du livre, une centaine de pages, l'histoire est riche et mène à une réflexion quasi-œdipienne. C'est un hymne à la maternité, à la féminité, au rôle de mère. Tout ce récit tient en ce lien entre Tadasu et ses mères. La position de la femme est ici mise en avant avec le rôle tenu dans la société : celui d'épouse, de mère.
L'auteur parvient à mettre en exergue les difficultés pour le personnage à faire la différence entre les souvenirs de la première mère et de la seconde, ces passages sont même très touchant et révèle l'amour filiale pour ces deux mères. La maternité et le lien mère-enfant est au cœur des réflexions : Junichirô Tanizaki frôle avec l'interdit et la relation entre Tadasu et sa seconde mère est ambiguë.
Provocation, ambiguïté, l'auteur joue sur les "limites acceptables". Tadasu grandit et certaines scènes peuvent choquer et sembler malsaine. Mais on prend de la distance et Junichirô Tanizaki parvient avec sa plume à retranscrire ces scènes avec finesse et distance, mais aussi questionnement : Tadasu le premier se pose de nombreuses questions. Qu'il s'agisse de son lien avec sa mère, du rôle que son père a joué en "plaçant les pions pour que sa seconde femme vive heureuse. Et cette relation qui lui manque, son frère Takeshi qui fut adopté à la naissance, décision des parents... La famille est un cercle étrange où des événements souvent incompréhensibles se jouent.
Il y a du désir, de la sensualité et les descriptions, parfois oniriques, rendent la situation floue. Le narrateur, avec la retranscription de ses questions et de ses doutes, arrive à nous faire sentir que oui, quelque chose ne va pas, mais ce n'est pas forcément ce qu'on croit.
Une histoire courte qui débute dans l'innocence avant de nous faire plonger dans le doute des relations adultes. Je n'ai pas trouvé l'histoire érotique, mais effleurant le "politiquement correct". Et que dire de la plume de Tanizaki qui nous transporte avec poésie et délectation dans certains poèmes japonais.
En bref :
Une belle expérience littéraire, une lecture provocante sur certains points, mais qui met en avant le rôle de mère d'une femme. Un livre qui demandera sans doute une relecture pour apprécier tout le style de l'auteur.
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