Lecture en partenariat avec Librinova que je remercie.
D'Eric Gutta-Percha, chez Librinova, Roman, mars 2018.
Résumé :
Un homme retourne chez sa mère, trente ans après l’avoir quittée.
Il la retrouve, l’ombre d’elle-même, démente et atteinte du syndrome de Diogène.
Depuis le départ du fils, elle entasse de façon pathologique. Tout : vélos, journaux, galets, vêtements, papiers gras, emballages, bouteilles, bouchons, prospectus, cartons... Elle garde. Les objets qui la structurent et qui l’asphyxient.
Sa maison comme un labyrinthe, maison-terrier, paysage dévasté et pourtant familier.
L’histoire d’une rencontre entre ces deux-là, que la vie avait séparés. L’occasion aussi d’une plongée dans l'adolescence des années 80, comme une petite archéologie des Trente Glorieuses.
Creusons, pendant que mère et fils se redécouvrent et s'apprivoisent, tendres et drôles, funambules maladroits.
Creusons.
Mais pas trop loin.
Parce que les fouilles, même familiales, peuvent présenter quelques dangers.
Mon avis :
Avez-vous déjà eu des lectures qui vont ont retourné l'esprit et les émotions ? Avez-vous déjà eu un livre qui faisait remonter après quelques pages, des souvenir que vous aimeriez chasser ? "Revenir fils" a eu cet effet sur moi. Le livre ne porte pas sur la démence, mais j'y ai ressenti des émotions similaires à ce que j'ai connu par le passé, pour le personnage principal. Je suis infirmière, et je n'ai connu que trop de fois ces moments où l'un des parents perd la mémoire, ne reconnaît pas ses enfants, en oublie jusqu'au prénom qu'ils portent. Ces moments où la famille vient vous voir avec un sourire triste en demandant "comment elle va aujourd'hui?" Avant d'aller dans la chambre où vous entendez les cris parce que la visite est devenue une inconnue… Perdre la mémoire, les souvenirs et les émotions qui y sont mêlés est difficile. Recueillir cette souffrance faisait parti de mon travail. Je ne travaille plus avec les personnes âgées, mais plusieurs événements me sont revenus, certains plus difficiles que d'autres.
J'ai eu le besoin de mettre le livre plusieurs fois en pause. Puis de le lire d'une traite. Je ne chasse pas mes souvenirs, ils font partis de moi.
Une histoire écrite en deux temps, en deux tons, paroles d'un fils en parallèle de celles de la mère. Le fils revenant à la maison et abordant ses souvenirs en même temps qu'il passe le pas de la porte d'entrée, ou lorsqu'il s'endort contre une pile prête à s'écrouler ou un fauteuil empli de poussière. Ce fils qui revient, pris par les odeurs nauséabondes d'une maison négligée, où s'entassent depuis des années des brics et brocs, des journaux ou des cartons.
Il s'agit aussi de se redécouvrir, mère et fils, de s'apprivoiser dans un environnement emplis de détritus qui sont comme des trésors. C'est aussi plonger dans les souvenirs d'adolescence du fils, de vivre à travers lui les deuils successifs de la famille. Comment ils ont pu l'un et l'autre avancer dans ce monde. C'est aussi penser au moment où tout a basculé pour cette femme, ses pertes également.
Il s'agit d'un huis clos étrange, mais que je connais de part mon expérience professionnelle. Les accumulateurs compulsifs en souffrent autant que leur famille. Il y a du désarroi, le plus souvent accompagné d'un sentiment de honte et/ou d'épuisement. Mais il y a aussi, comme dans cette histoire, de la tendresse et de l'affection, même s'il est compliqué de l'envisager, même si elles sont entourées de tristesse. Les souvenirs s'égrènent et avec eux, les éléments qui permettent de comprendre pourquoi on en est arrivé là.
L'écriture est très agréable. Au début un peu décousue, le temps de s'imprégner de l'environnement, mais s'ensuit une double voix avec rythme : les propos de la mère ont un langage propre, différent de celui du fils. J'aime beaucoup ces livres laissant à chaque voix la place de s'exprimer. J'ai aimé la façon qu'a eue l'auteur de partager cette réalité, avec une pointe d'humour noir, mais sans moquerie ni jugement. Il y a une logique dans la gestion de la maison de cette femme, et j'ai aimé la façon de nous la faire partager, par les yeux d'un fils déboussolé.
Une fin ouverte à toutes les suppositions…
En bref :
Il y a ce qui est montré, ce qu'on souhaiterait cacher et autour, la réalité crue d'une maladie qui impacte l'ensemble des proches. Une écriture juste qui emporte le lecteur et le fait voyager aux côtés de ce fils se rapprochant de sa mère.
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