"La fuite" - Ève Chambrot
Merci à François Sirot et aux éditions Envolume de m'avoir fait retenir ma respiration jusqu'au dénouement.
D'Eve Chambrot, éditions Envolume, sortie le 25 août 2016, Contemporain, Mensonge, Manipulation
Résumé :
C’est un homme ordinaire : comme tant d’autres, il veut gagner de l’argent, réussir. À la tête de sa petite entreprise, il mène une existence confortable. Un jour, les clients disparaissent, les dettes s’accumulent et tout s’effondre. Dès lors, il aura une seule préoccupation : que personne n’en sache rien.Roman obsédant, La Fuite décrit une descente aux enfers pavée de mensonges et de suspicions, où l’orgueil prime sur les sentiments.
Un récit mené de main de maître par Ève Chambrot.
Mon avis :
C'est un homme d'une grande intelligence, rusé, manipulateur. Il nous explique ses succès, son entreprise florissante, et ce rêve qu'il a de partir vivre aux Etats-Unis : vivre le "rêve américain". Il a d'ailleurs tout entrepris avec cet objectif en tête. Mais bientôt ; tout s'écroule : il ne réussit plus, les factures s'amoncellent, les dettes, les demandes de prêts. Son mariage s'effiloche, se fragilise. Il perd tout, ou presque : il garde en lui et en son existence une confiance absolue. Car il trime, lui. Il est l'homme, à qui ont respect. Il trouve toujours une solution, même à la dernière minute. La dernière sera celle qu'il aura le mieux préparé.
Encore une fois, je suis ravie de cette lecture pour sa construction : nous avons le point de vue du personnage en "Je", entrecoupé de chapitre l'on voit l'histoire de l’œil de l'épouse. C'est intéressant dès le départ, car on voit cet homme puissant, fort, inflexible et sur de lui parler de sa réussite, de ses exploits, mais surtout de sa valeur. En parallèle, son épouse qui évoque le quotidien, les difficultés quelles soient financières ou conjugales. Progressivement, la psychologie des personnages est étayée : on se perd dans le discours de cet homme (si on peut le nommer encore ainsi), et on découvre la réalité présentée sans phare et sans emphase sous l’œil de l'épouse.
Les chapitres de l'homme m'ont donné l'impression de monologue sans fin, irritant, énervant. On aimerait le mettre face à la réalité, pas celle qu'il s'est construite, mais celle du monde réel. Les relations conjugales et les moments qu'il passe en famille sont d'ailleurs très intéressants à lire des deux côtés : illusion, sentiment de ne pas être soutenu d'un côté, incompréhension et insécurité de l'autre. J'ai beaucoup aimé la profondeur qu’Ève Chambrot a mise dans la construction des personnages. Il s'agit d'un livre court, mais qui a la puissance d'offrir des protagonistes complexes en très peu de temps.
L'auteur est parvenu également à une chose plaisante : j'ai aimé détester cet homme, vouloir pour lui une chute inexorable dans la dure réalité qu'il a provoquée autour de lui. Se pose alors la question de la confiance : en soi tout d'abord, car il faut être armé d'un égocentrisme sans nom pour agir de la sorte, dans les autres pour parvenir à allumer en eux des étincelles de doute, sans qu'elles ne prennent vraiment feu.
L'écriture d’Ève Chambrot est succulente : les mots se suffisent à eux-mêmes, on ne trouve pas descriptions superflues, ni de condescendance. Le doute y est important, pour les personnages, mais aussi pour le lecteur : et on ne lâche pas le livre avant de connaitre ce dénouement auquel l'auteur nous a si bien travaillé. Il peut nous arriver à tous de tomber, de faire des mauvais choix, mais comment décide-t-on de prendre la "bonne" décision" ?
En bref :
Un livre dont j'ai aimé détester cet homme, dont la fin m'a tellement retournée que j'aurais la voir réécrite. Mais au final, non, elle va si bien au personnage. Une belle écriture, à l'implacable précision.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire