mardi 23 août 2016

"Parmi les loups et les bandits" - Atticus Lish. Coup de cœur




Merci à Babélio et à son événements Masse Critique ainsi qu'aux éditions Buchet Chastel pour ce véritable coup de coeur.
Par Atticus Lish, éditions Buchet Chastel, sortie le 18 aout 2016, Immigration, Pauvreté, Histoire, Contemporain, Psychologie.


Résumé :


C’est dans un New York spectral, encore en proie aux secousses de l’après-11 Septembre, que s’amorce l’improbable histoire de Zou Lei, une clandestine chinoise d’origine ouïghoure errant de petits boulots en rafles, et de Brad Skinner, un vétéran de la guerre d’Irak meurtri par les vicissitudes des combats. Ensemble, ils arpentent le Queens et cherchent un refuge, un havre, au sens propre comme figuré. L’amour fou de ses outlaws modernes les mènera au pire, mais avant, Lish prend le soin de nous décrire magistralement cette Amérique d’en bas, aliénée, sans cesse confinée alors même qu’elle est condamnée à errer dans les rues. Il nous livre l’histoire de ces hommes et de ces femmes qui font le corps organique de la grande ville : clandestins, main-d’œuvre sous-payée, chair à canon, achevant sous nos yeux les derniers vestiges du rêve américain.
Avec Parmi les loups et les bandits, Atticus Lish, lauréat de nombreux prix dont le prestigieux Pen/Faulkner Award, s’est immédiatement hissé au rang des plus grands : puisant chez Dickens comme aux sources du modernisme, il livre un texte brutal et beau, incontournable.


Mon avis :


    Brad Skinner était militaire. Son vécu de soldat continue de le persécuter, et ses nuits sont hantées de visions de corps mutilés, déchiquetés. Rendu à la vie civile, il décide de s'installer à New-York. Zou Lei, clandestine moitié musulmane Ouïgoure et moitié chinoise, a décidé d'immigrer aux Etats-Unis clandestinement afin d'y trouver un avenir meilleur. Elle est prête à travailler dur afin d'y arriver. Après être sortie d'une détention de quelques mois suite à un contrôle d'identité, elle décide de s'installer à New-York dans le quartier de Chinatown.
    Ces deux êtres malmenés par la vie vont se rencontrer, se trouver et partager des moments de vie et de survie à deux, dans une ville traumatisée par les attentats du 11 septembre. Zou Leï trime pour gagner son salaire, et ses rencontres avec Skinner seront ses moments de détentes. Mais au fil des jours, Zou Leï se rend compte que Skinner ne va pas bien, il sombre de plus en plus dans l'alcool et le tabac.


   
Ce livre est magistral, grandiose, incroyable, choquant, percutant, fait réfléchir et j'ai regretté, malgré ses 560 pages, qu'il ne soit pas plus long.
    Je commencerai par vous parler du seul et unique bémol de cette lecture : lors de la prise de paroles des différents personnages, j'ai été gênée, car la ponctuation des dialogues n'étaient pas forcément respectée. Du coup, j'ai relu certains paragraphes avant de m'y faire. Hormis ce point, je n'ai été que subjugué par cette lecture qui laisse une amertume profonde sur la vie. Un livre qui m'a profondément touchée.


Une écriture soignée et puissante.
    Atticus Lish signe un premier roman dont l'écriture a été un premier coup de cœur : très descriptif, je ne me suis pas ennuyée lorsqu'il décrivait les rues, les échoppes, les magasins, la saleté ambiante, ces odeurs prenantes. Bien au contraire, chaque description avait goût de réalité. J'étais plongée dans cette ville, New-York que l'on décrit souvent comme une ville immense et grandiose. On y découvre la pauvreté, les crimes et délits, l'intolérance et la noirceur humaine.
    Une réussite aussi pour Céline Leroy qui en est la traductrice et qui a su rendre toute la complexité des mots de l'auteur.

    L'auteur est également parvenu à rendre réelle cette sensation de malaise : la vie y est décrite de façon crue, sans concession. Une écriture qui embarque, malmène et accompagne le lecteur jusqu'au dénouement. Là encore, Atticus Lish a su préparer dans ses mots les événements : une écriture travaillée, mais il en ressort paradoxalement une poésie puissante.


Des personnages torturés.
    Dans la construction du livre, on passe de chapitre en chapitre de Skinner à Zou Leï. Au début, cela ressemble à une introduction : les personnages sont racontés avec réalisme, leur donnant de la consistance au fil des pages.
    Ces deux personnages sont torturés, à la limite de la folie par moment pour Skinner qui, ressassant l'Irak, n'a en tête que des images traumatisantes. D'ailleurs, cela critique parfaitement les retours à la vie civile, que se soit en Amérique ou ailleurs : les traumatismes doivent être suivis et encadrés pour aider les soldats à retrouver une vie "normale".

    Zou Leï est une femme forte, tentant chaque jour de trouver un équilibre de vie, même minime. Elle se satisfait de peu, mais espère toujours un avenir meilleur.

    J'ai aimé découvrir des personnages simples, sans extravagance ni mièvreries. Au contraire, je me suis attachée à eux à cause de leur blessure, de leur force intérieure, de leur envie d'avancer. Les personnages secondaires ainsi que tous ceux qui apparaissent dans le livre sont entiers : ils rentrent parfaitement dans l'histoire. On s'attache à certains, on en déteste d'autres. 


Une ville, mais un personnage.

    Les descriptions de l'auteur nous plongent dans une ville grouillante, vivante, qui ne respire pas uniquement le luxe ou le plaisir, mais expire des lieux glauques, sordides, à la limite de l'invraisemblabe. Cette ville devient vite un personnage incontournable du livre par son réalisme. On voit les ruelles défiler devant nos yeux, on sent ces odeurs, on perçoit ce quotidien... On rencontre les clandestins tentant tous de vivre "le rêve américain" en immigrant dans ce pays. On y vit, on y survit. La description de la foule et des commerces rend parfois la lecture étouffante : on manque d'air, comme si on y était. J'ai aimé cette sensation d'oppression


Une critique acerbe.
    La vie aux Etats-Unis post attentat a chamboulé le quotidien de la population. Le rêve américain devient un but pour beaucoup. Mais la misère sociale est encore tellement présente. La critique sociétale est importante : entre misère et injustice, Atticus Lish ne critique pas ouvertement le système, mais l'expose en montrant la réalité de la vie. J'ai eu du mal à me dire qu'il s'agisse d'une fiction tellement la cruauté y est bien retranscrite. De plus, il donne une place importante à ces personnes dont on ne parle pas : les SDF, les immigrés. L'absence d'humour et de légèreté nous plonge pleinement dans cette atmosphère sinistre. C'est ce que j'ai aimé.


   
Un livre choc, un livre qui raconte, dénonce, mais n'accuse pas. Un livre dont la lecture, complexe, risque de rebuter certains lecteurs : il n'y a pas de légèreté dans cette histoire : du réalisme cru, des vies torturées et délaissées.
    J
'ai adoré cette lecture, elle m'a procuré des sensations difficiles, m'a remise en question, mais m'a aussi permis de découvrir cette misère derrière ces jolies cartes postales. Un livre percutant de cette rentrée littéraire, qui donne à réfléchir, tout en racontant avec véracité un quotidien difficile, mais rempli d'espoir. 



En bref :


Un coup de cœur !! Une écriture hachée, qui remue, des descriptions foisonnantes et réalistes des bas-fonds de New-York, de ceux dont on ne parle pas. Un livre coup de poing, mais qui peut rebuter par son style littéraire. Pour ma part, un auteur à suivre !

2 commentaires:

  1. un livre qui a vraiment tous les ingrédients pour être un coup de coeur

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    1. ça a été une vraie claque littéraire ! dans la forme, le style et le contenu ! Un vrai coup de coeur ^^

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