jeudi 14 avril 2016

"Le mal en son royaume" - Cyril Puig

Le mal en son royaume

Merci à Cyril Puig de m'avoir permis de découvrir son livre.
Par Cyril Puig, Edition Andromeda, Ebook, Esotérique, thriller, 2015

Résumé :

Chronos, un tueur en série, terrorise Stockholm depuis plusieurs mois. Une unité dirigée par Ossian Peterssen est mise sur pied afin de mettre un terme aux agissements du criminel. Pour y parvenir, Ossian s’entoure de Lennon Christianssen, un ami d’enfance formé au profilage à Quantico et de deux autres flics au palmarès impressionnant : Egon Linberg et Gabriel Hansson.
La publication dans la presse du profil psychologique de Chronos pousse ce dernier à agir. Afin de prouver qu’il n’est pas un pervers comme le suppose Lennon, il kidnappe la fille du profileur et le force à suivre une piste initiatique.
D’une île perdue au milieu des glaces à un club interlope de Stockholm en passant par " le cimetière de la forêt " et une étrange citée onirique, les héros vont rencontrer des diplomates, d’anciens commandos et des artistes mystiques pour découvrir la vérité. Ils vont apprendre à leurs dépens que la réalité n'est qu'un voile d'une extrême fragilité.

Cyril Puig est un façonneur d'histoire. Auteur de nombreux scenario de jeux de rôle dont plusieurs ont été primés (notamment au festival des Utopiales de Nantes en 2011 et 2013), il publie également dans des ouvrages et magazines spécialisés. "Le mal en son royaume" est son premier roman.

Mon avis :

Chronos est un tueur en série traumatisant Stockholm. Tel un jeu de piste macabre, il se moque de la police en leur envoyant un message 72h avant la mise à mort d'une jeune femme, dont le profil est identique les unes aux autres.
Lennon est un policier ayant migré aux Etats Unis, travaillant en tant que consultant. Son coéquipier et ami Ossian le fait venir en renfort dans cette affaire. Lennon parvient à définir un profil du tueur, mais celui ci est divulgué à la presse, et Lennon se retrouve en première ligne de ces horreurs : sa fille est enlevée par Chronos. Un courrier à destination de Lennon et rédigé de la main du tueur. Celui ci provoque davantage Lennon en rejetant les éléments du profil : Lennon se serait il trompé?
La chasse à l'homme débute, et le polar noir prend des allures de fantastique, au point où les angoisses émergeantes à la lecture du livre ont du mal à trouver écho dans la réalité.
"Le mal en son royaume" est le premier roman d Cyril Puig. Et pourtant, l'écriture de l'auteur est travaillée, précise. On sent l'empressement de la situation, et en même temps la volonté de ne pas aller trop vite. Le rythme est ainsi pris en otage dans l'histoire qui s'égrène par étape successive. L'auteur nous laisse le temps de prendre la mesure de l'histoire sans nous précipiter dans différents clichés. On pense à respirer en même temps que les phrases sont lues.
J'ai par ailleurs beaucoup apprécié ce calme presque froid, donnant au roman une atmosphère aussi glacée que le regard de son tueur en série. On est captivé, et on observe une scène délicate se jouer : chaque personnage avance ses pions, et avant que l'action soit menée, le temps dévolu à la réflexion est bien pesé. Il y a une vraie maturité qui ressort de ce texte dont j'ai vraiment apprécié le verbe.
De l'ésotérisme et du fantastique.
Il n'est pas rare de retrouver dans le thriller des mécanismes d'angoisse alliant le religieux et l'ésotérisme. Le Sacré rapproche ou éloigne les êtres humains, mais plus encore, la peur de l'inconnu. Ici, le gnosticisme est longuement expliqué. Le lecteur peut donc suivre le parcours des personnages au fur et à mesure où ils découvriront l'origine de cette peur. Cette dernière est bien travaillée car elle n'est pas directement révélée : les personnages font le tour de la situation, tente de déchiffrer les indices en les plaçant dans la réalité. Mais une autre sensation émerge de la lecture.
L'impression qui domine la lecture n'est pas vraiment la peur. Au contraire, nous restons sur le qui vive, attendant à tout moment de voir débarquer un carrosse de centaure ou toutes autres créatures du mal. J'ai même eu une réminiscence d'une lecture passée : "Le Horla" de Maupassant : nous ne savions pas d'où venait l'appréhension, mais elle était présente. Nous ne savions pas vers quoi les personnages se dirigeaient, mais la crainte était présente. C'est en cela que le thriller est réussi et l'écriture de l'auteur maitrisée : il parvient avec calme à dresser une atmosphère.
Les personnages sont très bien construit, avec des caractères et des terreurs qui leurs sont propres, avec leurs histoires et le poids des années écoulées. J'avais une certaine facilité à me projeter tellement ils me semblaient les "connaître". De plus, leur psychologie est bien construite, laissant peu de failles. Le rôle de Laura aurait sans doute mérité une construction plus profonde, mais peut être est ce également le souhait de l'auteur de ne pas laisser d'éléments à étudier avant le dénouement.
La construction du livre en différents actes dont les personnages seront les éléments principaux m'a beaucoup plus. Ce découpage, loin de mélanger l'histoire, lui permet de s'écouler à son rythme, sans heurt. La fin des chapitres est bien marquée : l'événement qui s'y déroule m'a souvent crispée : on s'attache aux personnages, à leur air taciturne et à leurs interrogations.
La fin du livre a été trop prompte en révélation, mais laisse place à nombres de questions. L'histoire se termine sans se terminer, laissant la voie à un nouveau chapitre? Qui sait...

En bref :

Un premier roman réussi dans la veine du thriller dans une Suède propice à cette atmosphère : la brume enveloppante et les paysages mêlant les visions et la réalité. Un tueur en série qui n'est peut être pas ce que l'on pense au début.

Citation :
" Nous ne sommes que des passeurs vois-tu. Nous n’avons pas été choisis pour aller bien loin. Comme la plupart des nuisibles qui peuplent ce monde, nous ne sommes pas destinés à jouer un rôle de premier plan. Tu le sais n’est-ce pas ? Tu en as conscience. Il n’y a rien de triste à cela, c’est dans l’ordre des choses. Nous sommes des outils et rien de plus. Des rouages de la machine. Mais vois-tu, je ne me doutais pas de l’importance de notre rencontre. Je n’en avais pas pris conscience avant qu’elle ne m’ouvre les yeux. Toi-même, tu ne le sais pas encore. Tu ne peux même pas deviner à quel point chacun de tes actes prendront bientôt un sens sur un plan universel et cosmique. "

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